La peur de l'atome, de la bombe et du feu nucléaire a marqué de son empreinte l'histoire de la seconde moitié du XXème siècle, et le cinéma s'en est fait bien évidemment l'écho. Pour ouvrir cette dernière séance de l'année, nous avons visionné un extrait du film Le secret de la planète des singes de Ted Post (1970), dans lequel on a pu voir des humains, réfugiés sous terre après avoir été irradiés par une explosion nucléaire, rendant un culte à un missile nucléaire, "le commencement et la fin de toute chose". Par sa puissance destructrice, la bombe fascine tout autant qu'elle est crainte. Cet extrait fut la seule incursion dans le genre post-apocalyptique, puisque ce thème a déjà été traité plus tôt dans l'année.
Seul pays à avoir connu le feu atomique, avec le largage des bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki les 6 et 9 août 1945, le Japon a été durablement traumatisé. Le grand réalisateur japonais Akira Kurosawa a abordé le thème dans certains de ses métrages. L'idée de Vivre dans la peur (1955) lui est venue après un scandale qui a frappé le Japon en 1953 : au cours d'essais nucléaires menés par les Américains, au large du Japon, des marins pêcheurs japonais se sont retrouvés gravement irradiés. Dans son film, Kurosawa parle d'un industriel totalement obsédé par le péril atomique. Il souhaite vendre tous ses biens pour partir avec sa famille s'installer au Brésil, où il pense être à l'abri. Se heurtant au refus de sa progéniture, il est placé sous tutelle et sombre dans la folie. Drame psychologique, Vivre dans la peur ne rencontre à sa sortie qu'un succès mitigé. Dans un Japon en pleine reconstruction, il est certain que le sujet dérangeait.
Kurosawa reviendra sur le danger atomique dans l'un de ses derniers films, Rêves (1990). Dans ce film à sketchs, le réalisateur met en image huit de ses rêves l'ayant particulièrement marqué. Dans le segment Le Mont Fuji en rouge, Kurosawa dépeint des civils fuyant apeurés après l'explosion des réacteurs de la centrale nucléaire de Fukushima. Un rêve prophétique donc, puisque les évènements futurs viendront donner un écho tragique à sa vision.
Le péril atomique a trouvé au Japon une incarnation monstrueuse sous les traits de Godzilla, un lézard gigantesque, dont les premières frasques ont été réalisées par Ishirô Honda en 1954. Godzilla est réveillé par des essais nucléaires tirés dans le Pacifique et se dirige vers Tokyo. S'en suit un festival de destruction de maquettes des plus réjouissants.
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En 28 films, Godzilla est devenu une véritable icône de la culture populaire japonaise et donna naissance à un genre très prolifique au paus du soleil levant : le kaiju eiga (film de monstre). Godzilla est bientôt rejoint par plusieurs camarades monstrueux, eux aussi "enfants de l'atome". En 1955, Rodan, narre les exploits d'un gigantesque ptérodactyle réveillé par le tir de missiles nucléaires. En 1962, un autre kaiju très populaire débarque sur les écrans : Gamera. Dans ce film, une énorme tortue préhistorique est libérée des glaces de l'Arctique suite au crash d'un avion russe porteur d'un engin nucléaire. Les kaiju eiga reposent ainsi souvent sur les mêmes mécaniques.
Les Etats-Unis seront aussi touchés dans les années 1950 par une vague de films de monstres géants. Sorti la même année que le Godzilla japonais, Des monstres attaquent la ville de Gordon Douglas (1954) parle de la panique qui s'empare du Sud-ouest des Etats-Unis lorsque des fourmis, devenues gigantesques suite à des essais nucléaires effectués par l'armée dans le désert du Nouveau-Mexique, commencent à s'en prendre aux villes et à leurs habitants.
Parmi les autres films américains de monstres personnifiant la peur de l'atome, on peut citer Le monstre des temps perdus d'Eugène Lourié (1953), dans lequel une créature gigantesque, endormie sous la glace depuis 100 millions d'années, est réveillée par un test nucléaire effectué au pôle Sud. Elle se dirige alors dangereusement vers la côte Est des Etats-Unis. Dans Tarantula (1955), le réalisateur Jack Arnold lâche sur la petite ville de Desert Rock une tarantule rendue gigantesque par des radiations.
Plaisanter sur la guerre froide quelques mois après la crise des missiles de Cuba n'était pas un exercice facile. C'est pourtant ce que le grand réalisateur Stanley Kubrick a fait dans Dr. Folamour, ou comment j'ai appris à ne plus m'en faire et à aimer la bombe (1963). Dans ce film, un général américain farouchement anticommuniste donne l'ordre aux avions B-52 patrouillant en Europe de lancer une attaque nucléaire sur la Russie. Commence alors une succession de situations absurdes au cours desquelles chacun tente de stopper un implacable holocauste nucléaire. Dans l'extrait visionné, le président américain, en pleine réunion de crise, appelle le dirigeant russe, passablement éméché, pour lui annoncer la situation.
Dr. Folamour offre une galerie de personnages cyniques, dépassés ou fous. Il fait à la fois sourire et frémir devant l'impuissance des chefs des deux blocs à empêcher la catastrophe imminente. Cette comédie cultissime ne rencontra pourtant qu'un succès mitigé. Peut-être était-il trop tôt pour rigoler sur le sujet.
Ces dernières années, la peur du nucléaire est toujours présente et fait encore les beaux jours des films d'action et de suspense, ou même de séries télé comme 24 heures chrono.