Pour notre séance spéciale Halloween de la saison, nous nous sommes intéressés aux zombies. Cette séance avait notamment pour but d'éclairer les élèves sur les évolutions qu'a connu le genre du film de zombies, dont beaucoup de nos collégiens semblent raffoler. Les zombies sont en effet très à la mode. Les films, les séries, les jeux vidéos, les romans et les comics les mettant en scène sont légions et, il faut bien le dire, de qualité très inégale. Le programme pour cette heure fut donc chargé et tous les extraits préparés n'ont pu être visionnés.
Nous avons ouvert la séance par la séquence d'introduction du Jour des morts-vivants (1986), réalisé par celui qu'on surnomme "le pape du film de zombies" : George A. Romero. Cet extrait correspondait aux clichés que le élèves avaient en tête sur ce genre de films. On y suit un petit groupe de personnes survolant un monde dévasté en hélicoptère à la recherche d'autres survivants, après que les zombies aient envahi la Terre. Leurs appels n'auront pour effet que de faire sortir dans les rues une multitude de morts-vivants, les obligeant à prendre la fuite.
Le thème étant lancé, nous sommes revenus aux origines du genre, au moyen d'extraits du premier film mettant en scène des zombies : White Zombie de Victor Halperin (1932). Dans ce film, le propriétaire d'une plantation des Caraïbes demande l'aide d'un sorcier pour obliger une jeune femme à tomber amoureuse de lui. Le sorcier malintentionné est interprété par Bela Lugosi, qui avait triomphé l'année précédente en jouant pour la première fois sur les écrans le personnage de Dracula, pour le compte du studio Universal (Les monstres classiques du studio Universal (1ère partie)). Le sorcier du film tient sous son emprise une multitude de zombies, qu'il emploie dans son moulin à sucre. Il dispose aussi de quelques zombies, qui furent auparavant ses ennemis les plus farouches, pour accomplir ses mauvaises actions.
Les zombies du film s'inspirent des croyances vaudous, qui sont à l'origine de cette future grande figure du cinéma fantastique. Le vaudou désigne un ensemble de croyances et de pratiques développées dans les Caraïbes par les esclaves originaires d'Afrique. C'est un mélange d'éléments des religions animistes et chrétiennes. Dans ce cadre, le zombie est un être humain qui, envoûté de son vivant, reste sous l'emprise d'un maître après sa mort. Dépourvu de parole et de libre arbitre, il est totalement soumis à son envoûteur, comme si l'esclavage se poursuivait après la mort. Le zombie est donc, dans le mythe originel, une créature tragique à l'esprit emprisonné, une victime, qui provoque autant la tristesse que l'effroi.
Les zombies revinrent de temps à autre sur les écrans tout au long des années 1930 à 1950. Le réalisateur de White Zombie revint au genre en 1936 avec La Révolte des zombies. Il s'agit d'une histoire se déroulant pendant la Première Guerre mondiale. On y suit des Américains partis à la recherche d'une formule magique permettant de lever une armée de zombies. C'est à peu près la même idée pour Le Roi des Zombies de Jean Yarbrough (1941), qui se déroule quant à lui pendant la Deuxième Guerre mondiale et raconte, sur un ton plus comique qu'horrifique, la tentative d'un savant nazi de créer sur une île une armée quasi invincible de zombies. Son plan sera déjoué par un petit groupe de naufragés. Les zombies sont souvent employés à l'époque dans des films d'aventures exotiques comme dans Zombies of Mora Tau (1957), dans lequel des zombies gardent des diamants enfouis dans l'épave d'un navire et donnent bien du fil à retordre aux chasseurs de trésors venus s'approprier ce butin sous-marin.
De cette période, durant laquelle les zombies sont encore discrets sur les écrans, on compte tout de même un classique : Vaudou de Jacques Tourneur (1943). Ce dernier est probablement le meilleur réalisateur de films fantastiques des années 1940-1950. On lui doit des chefs-d'oeuvre comme La féline (1942) ou Rendez-vous avec la peur (1957). Dans Vaudou (I walked with a zombie en version originale), une infirmière se rend sur une île des Caraïbes pour s'occuper de la femme du maître d'une plantation, qui est malade. Elle semble plongée dans un état d'hypnose. L'infirmière finit par penser que sa patiente a été envoûtée par des rites vaudous. Jacques Tourneur n'a pas son pareil pour créer dans ses films une ambiance fantastique oppressante. Tournant ses films en studio, il utilise l'éclairage et joue particulièrement sur les zones d'ombre pour susciter la peur. L'ambiance sonore contribue aussi à créer un atmosphère pesante entre le rêve et l'effroi. Cette ambiance est bien retranscrite dans l'extrait ci-dessous, dans lequel l'infirmière traverse un champ de canne à sucre avec sa patiente, au son des tam-tams de plus en plus proche et donc de plus en plus inquiétant. L'extrait projeté en classe est celui de la première "visite" du zombie Carrefour à la maison du maître de la plantation. On y voyait le jeu d'ombres du réalisateur et une ambiance sonore nocturne très immersive.
Si Vaudou est un grand film, les zombies sont souvent employés dans des films à petits budgets assez déjantés. C'est le cas de Plan 9 from outer space d'Edward Wood Jr. (1959), souvent surnommé "le pire réalisateur de tous les temps". Ce titre lourd à porter est un peu exagéré, mais il faut bien avouer que ses films sont tous fauchés et loufoques. Tim Burton lui a rendu un superbe hommage avec Ed Wood en 1996. Ed Wood qui était toujours à la fois producteur, scénariste et réalisateur sur ses films y était incarné par Johnny Depp. Plan 9, qui reste son film le plus connu, raconte l'histoire d'extraterrestres qui ressuscitent des morts pour attaquer les humains, afin de les dissuader d'utiliser une arme dévastatrice. Un scénario bien barré donc. Pour des questions de budget, les spectateurs n'auront droit qu'à l'apparition de trois zombies, dont un colosse chauve interprété par le catcheur suédois Tor Johnson et Bela Lugosi (vu en début de séance dans White zombie) qui mourut au début du tournage. Il sera remplacé par un dentiste, bien plus grand que Lugosi, mais dont le sommet du crâne ressemblait, d'après Ed Wood, à celui de l'acteur décédé. Le dentiste n'aura qu'à tenir sa cape devant son visage pour faire illusion! Cette anecdote est la parfaite illustration du sens légendaire de la débrouille du réalisateur farfelu.
A partir de la fin des années 1960, les films de zombies inspirés des croyances vaudous deviennent rares car le genre est sur le point de connaître une profonde évolution. Parmi les derniers représentants du film de zombie vaudou, on peut citer L'invasion des morts-vivants de John Gilling (1966). Ce film a été produit par la mythique firme anglaise de la Hammer, qui relança dans les années 1950-1960 les films de monstres classiques tels que Dracula, Frankenstein ou encore la momie. Dans L'invasion des morts-vivants, un village anglais est victime des agissements d'un notable local qui, ayant été initié aux rites vaudous en Haïti, utilise son savoir pour envoûter ses concitoyens et les contraindre à travailler après leur mort dans une mine d'étain.
Dans les années 1970, aux Etats-Unis, un courant cinématographique mettant en scène des acteurs afro-américains rencontre un succès important : il s'agit de la blaxploitation. Ce mouvement a touché à tous les genres de films et donc, bien évidemment, au fantastique. Il y eut notamment Blacula en 1972 et, pour le thème qui nous intéresse aujourd'hui, Sugar Hill de Paul Maslansky (1974). Dans ce film, une jeune femme a recours au vaudou pour se venger des mafieux responsables de la mort de son compagnon.
L'Emprise des ténèbres de Wes Craven (1988) est le dernier représentant réussi du film de zombie vaudou. On y suit l'enquête et les déboires d'un anthropologue américain, envoyé en Haïti par une société pharmaceutique afin de récupérer une poudre censée ressusciter les morts. L'Américain va devoir se démener pour amener des habitants de l'île à l'initier aux croyances et aux pratiques vaudous.
En 1968, un film va considérablement révolutionner le genre du film de zombies. Il s'agit de La nuit des morts-vivants de George Romero. Tourné avec un budget très limité à Pittsburgh, ce petit film en noir et blanc (tourné ainsi pour faire des économies) introduit pour la première fois le concept du zombie dévoreur de chair humaine. Le zombie n'est plus une victime pathétique mais devient "acteur", suivant son propre instinct. Il est du coup plus effrayant. Le changement est considérable et ne manqua pas de marquer les esprits, voire même de choquer une partie des spectateurs, peu préparés à ce qu'ils allaient voir. On y suit les mésaventures d'une jeune femme, attaquée dans un cimetière, qui trouve refuge dans une ferme des environs. Elle est rapidement rejointe par un homme afro-américain, qui est, chose rare à l'époque, le véritable héros de l'histoire. Ils vont entreprendre de barricader leur abri et de faire face aux assauts des morts-vivants, qui arrivent toujours plus nombreux.
Dix ans après La nuit des morts-vivants, George Romero poursuit sa réflexion sur les zombies en réalisant Zombie (Dawn of the dead en version originale). Le film se veut une suite directe du premier opus, décrivant cette fois une société en proie au chaos, totalement désorganisée par un mal de plus en plus implacable. Les forces armées peinent à contenir l'invasion des cadavres réanimés et tout le monde panique. On en a un aperçu dans l'extrait suivant :
On suit cette fois un groupe ayant pris la fuite en hélicoptère. Ils trouvent refuge dans un gigantesque centre commercial et envisagent de s'y installer en attendant que les choses s'améliorent. Ce film est l'un des plus connus et des plus appréciés du genre. En plus de livrer une histoire passionnante, George Romero poursuit ses commentaires politiques sur la société américaine. C'est notamment la société de consommation qui est visée. Face au spectacle des morts-vivants errant sans but dans les galeries marchandes, l'un des personnages principaux fera la réflexion suivante : "Ils viennent ici par instinct, par mémoire de ce qu'ils avaient l'habitude de faire. Ce lieu devait avoir une place importante dans leurs vies". Le message est limpide.
Le succès des films de zombies américains, et tout particulièrement celui de la trilogie de Romero vont inspirer une vague de copies sur le continent américain et partout dans le monde. Le genre va être parodié dans la série de films Le retour des morts-vivants. Un extrait du Retour des morts-vivants 2 (1987), parodiant la scène récurrente des zombies sortant de leurs tombes a été projeté. Les Italiens vont se montrer très prolifiques en matière de films de zombies, enchaînant des métrages de qualité très inégale, mais toujours très sanglants. On trouvera aussi des zombies espagnols, mexicains ou même hongkongais, avec le délirant Kung Fu Zombie (1981).
Les Français vont aussi contribuer à l'époque au genre avec des films à petit budget, généralement plus drôles qu'effrayants (c'est involontaire!). Parmi ces fleurons nationaux du nanar (mauvais film rigolo), on peut citer Le lac des morts-vivants de J.A. Lazer (pseudonyme de Jean Rollin) sorti en 1980. Le film raconte l'histoire d'un petit village victime d'une malédiction remontant à la Seconde Guerre mondiale. Des soldats ont été tués par des résistants à proximité du village et leurs corps ont été jetés dans un lac voisin. Comme le laisse suggérer le titre, ils vont revenir d'entre les morts pour se venger. Si le film est aussi amusant, c'est en grande partie du fait des maquillages des morts-vivants et de leurs apparitions, lorsqu'ils sortent du lac. Les acteurs peinent à s'en extirper. Certains se débattent dans les nénuphars pendant que leur maquillage coule. Les scènes sous-marines, tournées dans la piscine du producteur, dont on voit distinctement les bords, ont aussi amusé les élèves.
Au début des années 2000, la représentation des zombies va évoluer. A présent les morts-vivants courent. C'est le film 28 jours plus tard de Danny Boyle (2001) et sa suite 28 semaines plus tard (2007) qui vont lancer cette mode. Si ces deux films ne sont pas à proprement parler des films de zombies mais des films d'infectés (le réalisateur insiste sur ce point), l'idée va être reprise très rapidement dans les films du genre qui nous intéresse aujourd'hui, comme dans le remake du Zombie de Romero, L'armée des morts de Zack Snyder (2004), et créé une polémique parmi les fans du genre. Si avec des zombies sprinters, la menace devient plus prégnante, elle est en revanche moins logique et beaucoup regrettent la démarche lente et saccadée des zombies "classiques".