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  • : Le club cinéma du collège Bergpfad
  • : Ce blog regroupe les travaux et réflexions des élèves participant au club cinéma du collège Bergpfad d'Ham-sous-Varsberg (57880), ainsi que la présentation des thèmes des séances du lundi, animées par M. Lesouef. N.B. : Depuis fin 2017, le club a été repris par mon estimé collègue M. Subi.
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6 juin 2014 5 06 /06 /juin /2014 13:10

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Genre typiquement japonais, le daikaiju eiga, ou "film de grands monstres étranges", semble revenir à la mode ces derniers mois, comme l'attestent les sorties de Pacific Rim de Guillermo del Toro l'an dernier, et celle du Godzilla de Gareth Edwards en mai de cette année. Ces blockbusters américains sont les derniers représentants en date d'un genre à part entière, comprenant au moins une centaine de films.  

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Le daikaiju ("grand monstre étrange" donc) incarne une force face à laquelle l'humanité se révèle impuissante ; une force ancestrale destructrice ou régulatrice, ou une abomination créée par les humains par négligence (pollution, forage souterrain, accident industriel...) ou par des expériences allant trop loin (essais nucléaires, manipulations génétiques...). Le plus célèbre des daikaijus est Godzilla, un lézard gigantesque créé par la société japonaise Toho en 1954. Dans ce premier Godzilla, réalisé par Ishirô Honda, le monstre fait son apparition à Tokyo et dévaste la ville. Il a été engendré par l'utilisation de l'arme atomique par les Américains sur le Japon lors de la Seconde Guerre mondiale. En créant ce kaiju, la Toho souhaitait réaliser un film dans le genre du King Kong de 1933, de Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack, et du Monstre des temps perdus d'Eugène Lourié (1953), deux films américains qui sont historiquement les premiers du genre. La Toho, qui a investi un budget largement supérieur aux productions de l'époque pour ce film va rencontrer un grand succès et lancer l'engouement pour le kaiju eiga au Japon.

 

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Pour surfer sur le succès de son Godzilla, la Toho va inonder les écrans japonais de nombreux autres daikaijus. Le ptérodactyle géant Rodan est la vedette d'un film éponyme sorti en 1956, dans lequel il fait d'innombrables dégâts après avoir été réveillé par des ouvriers travaillant dans une mine.

Un autre kaiju très populaire  au Japon sort de sa chrysalide dans Mothra (1961). Il s'agit d'une mite géante chargée par une civilisation disparue de protéger la planète terre. Ce kaiju bienfaisant relâche des spores ôtant l'agressivité de ses adversaire et peut créer des ouragans en battant des ailes. Elle apparaît dans de nombreux Godzilla et aura même droit à sa propre série de films.

013Daimajingappajapaneseposter-2ff22f6011Gamera (1965)

Pour rivaliser avec la Toho, dont les kaiju eigas connaissent un succès grandissant, la société Daiei, une autre firme japonaise, créée ses propres monstres. Il y a aura Daimajin, un colosse de pierre qui protège le peuple des mauvaises actions de tyrans. Il y aura aussi Gappa, sorte de perroquet géant au look improbable cherchant à retrouver son petit. Mais le kaiju le plus célèbre de la Daiei est Gamera, une tortue géante réveillée des glaces de l'Arctique par le crash d'un avion soviétique transportant des missiles nucléaires. Ces premières aventures à l'écran datent de 1965. En voici la bande annonce : 

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Gamera peut cracher des flammes et même voler (?). Elle devient dans la décennie suivante l'héroïne d'une série de films à la réalisation moins soignée que les Godzilla (budget modeste oblige) et au ton assez naïf. La Daiei cherchant à attirer un public très jeune, Gamera devient rapidement un gentil kaiju, allié des humains. Ce kaiju s'inspire de la mythologie asiatique et vient rappeler à quel point les créatures gigantesques ont une symbolique toute particulière au Japon. Pour commencer il faut rappeler que, contrairement à l'Occident, les monstres ont une représentation plus positive au pays du soleil levant. Le dragon, par exemple, symbolise le mal dans la tradition européenne mais représente plutôt la sagesse en Asie. Gamera évoque la tortue qui, dans la mythologie chinoise puis japonaise, est la gardienne d'un des quatre points cardinaux : le nord. 

015yongari il pi grande mostro young onil kim duke 003 jpg016Gorgo (1961)

En dehors du Japon, l'engouement pour les daikaijus est faible dans les années 1960. On peut citer le sud-coréen Yonggary (1967), qui met en scène un dinosaure géant, ressuscité par des extraterrestes, à l'apparence proche Godzilla, une corne en plus sur le museau. Seule incursion européenne dans le genre du kaiju eiga, le britannique Gorgo (1961) suit le parcours d'un grand monstre marin, capturé au large de l'Irlande et exposé à Londres dans une fête foraine. Les "propriétaires" du monstre ne tarderont pas à recevoir la visite de sa mère, forcément gigantesque, qui viendra libérer son rejeton, non sans avoir ravagé Londres au passage. Ce film, réussi pour son époque, ne fera pas d'émule sur le vieux continent.

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Malgré tous ces concurrents, le daikaiju le plus populaire reste Godzilla, le lézard géant "enfant de l'atome". Très bon nageur, il terrasse ses adversaires au moyen de son souffle atomique et peut se regénérer. En 60 ans de "carrière", Godzilla, véritable îcone au Japon, est la vedette de pas moins de 30 films. Il est intéressant de noter que son image a bien évolué au fil du temps. De 1954 à 1964, il apparaît comme une menace, une force destructrice qui symbolise la peur inspirée par le nucléaire. Il faut rappeler que le Japon, seul pays à avoir été touché par le feu atomique avec les bombardements d'Hiroshima et de Nagasaki en août 1945, reste à cette époque profondément traumatisé (voir La peur de l'atome au cinéma).

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A partir de 1964, Godzilla devient un kaiju protecteur et garant de l'équilibre de la planète. Il affronte durant cette période des kaijus venus de l'espace comme King Ghidorah, au look de dragons à trois têtes, Gigan, avec ses bras en marteau et sa scie circulaire ventrale, ou encore le premier Mechagodzilla, envoyé par des extraterrestres pour détruire Godzilla et assoir leur domination sur l'humanité. Pour en savoir plus sur le bestiaire des Godzilla, je vous recommande un excellent site sur le sujet, Le monde des kaijus (link), ou alors vous pouvez jetez un oeil à ce classement réalisé par un fan :

 

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Godzilla se retrouve donc souvent face à des adversaires hauts en couleurs, comme Hedorah, créature également venue de l'espace qui a muté à cause de la pollution des océans. On voit que la série véhicule souvent un message environnemental. Il va même affronter King Kong en personne, comme nous avions déjà pu le voir il y a deux ans : King Kong vs Godzilla. A chaque fois, il s'agit d'acteurs dans des costumes plus ou moins réussis, qui détruisent des maquettes sur leur passage. Cette formule ne pose aucun problème aux spectateurs japonais, qui continueront à aller voir se battre entre eux des acteurs costumés, ou contre des marionnettes, jusqu'au milieu des années 2000. Mais cette technique, développée jusqu'à la perfection au Japon, a probablement contribué à l'incompréhension et au désintérêt d'une large partie du public français pour les kaiju eigas, qui ont rapidement jugé ces films comme étant ringards. Au final, très peu de Godzilla sont sortis dans notre pays, et il ne sera jamais chez nous un phénomène culturel comme il a pu l'être au pays du soleil levant.

035038Le fils de Godzilla (1967)043Godzilla vs Megalon (1973)

A partir de la fin des années 1960, la société Toho décide de faire de Godzilla un héros destiné aux enfants. La saga prend une orientation plus naïve, et la qualité des films baisse, à mesure que les budgets diminuent. Dans Godzilla, Ebirah, et Mothra : Duel dans les mers du sud (1966), le ton est peu sérieux. Godzilla y affronte un homard géant, gardien d'une île sur laquelle des bandits ont installé leur repaire. Encore plus léger, Le fils de Godzilla (1967), déconcerte par son histoire incroyablement naïve, dans laquelle le lézard atomique se retrouve père d'un petit Minya, qu'il va devoir protéger contre des araignées géantes et autres prédateurs. Le film est aujourd'hui un gentil nanar au kitch délectable, mais il a déçu nombre de fans, peu convaincus par la pertinence du personnage de Minya.

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On touche le fond avec Godzilla vs Megalon de Jun Fukuda (1973), déjà responsable du Fils de Godzilla. Dans ce film, le roi des Seatopiens envoie sur terre Megalon (à droite sur la photo ci-dessus), un monstre des profondeurs, pour punir les humains de leur négligence concernant la planète. Godzilla, plus cabotin que jamais (l'acteur dans le costume se dandine et multiplie les gestes décalés), va recevoir l'aide inattendue de Jet Jaguar, un robot au service des humains, capable de changer de taille par la simple force de sa volonté (???). Ce personnage improbable, est en fait le fruit d'un concours organisé auprès d'enfants du Japon. Ils devaient dessiner un kaiju, et le gagnant du concours allait voir son dessin devenir un véritable kaiju dans les nouvelles aventures cinématographiques de Godzilla. Le résultat est consternant. On n'a jamais autant senti les acteurs sous les costumes. Les deux compères, après avoir vaincu Megalon et Gigan, finissent même par se serrer la main.

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Voici le lien vers une chronique très amusante à propos de ce film : link.

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Selon les périodes, la taille de Godzilla varie au gré d'explications fantaisistes, tout comme son look. Il arbore un aspect inquiétant dans les films "sérieux" et a au contraire une apparence sympathique, pataud avec de grands yeux, dans les films destinés aux enfants. A force de ridiculiser le personnage, le public finit par s'en détourner et Godzilla va connaître une période creuse. Il faut attendre 1984 pour que le personnage reçoive à nouveau un traitement sérieux et une réalisation plus ambitieuse. Nous verrons cela la semaine prochaine.

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