Difficile de penser aujourd'hui au monstre de Frankenstein autrement que sous les traits de Boris Karloff maquillé par Jack Pierce. Le bonus de cette semaine est consacré à ce maquilleur génial, créateur de l'aspect visuel de plusieurs icônes de l'horreur des années 1930-1940, telles que la créature de Frankenstein, la momie, ou encore le loup-garou.
Né en Grèce en 1889, Jack Pierce immigre aux Etats-Unis lorsqu'il est adolescent. Après avoir enchaîné des petits boulots, il commence une carrière en tant qu'acteur pour le cinéma muet en 1917. A partir de 1927, il est engagé comme maquilleur par le studio Universal, remplaçant au pied levé l'acteur/maquilleur star du studio, Lon Chaney, qui venait de quitter le tournage de L'homme qui rit. Il travaille sur Dracula et Frankenstein en 1931, et devient chef du département maquillage au moment de l'âge d'or des monstres classiques.
Le travail est délicat car les techniques de maquillage sont à l'époque difficiles et contraignantes. Sur le plateau de La fiancée de Frankenstein (1935), le travail sur Boris Karloff commençait à trois heures du matin et il fallait plusieurs heures pour finaliser la créature. Autant dire que les deux hommes ont passé beaucoup de temps ensemble. Dans cette vidéo personnelle de Boris Karloff, filmée sur le tournage du fils de Frankenstein (1939), on peut voir Karloff, maquillé et déguisé pour son dernier film dans le rôle de la créature, déambulant sur le plateau et mimant une attaque sur Jack Pierce. La complicité entre les deux hommes transparaît à l'image.
Pierce et Lon Chaney Jr, qui incarna le loup-garou dans le film éponyme de 1941, ne s'entendaient pas très bien non plus. Chaney se plaignait des séances de maquillage, qu'il jugeait pénibles et interminables. On peut le comprendre, puisqu'il fallait pas moins de six heures pour le grimer en loup-garou et encore trois heures pour le démaquiller. Sans compter que le maquillage était très inconfortable à porter. Difficile en effet de laisser à l'acteur une mobilité faciale avec la rigidité des matériaux disponibles à l'époque.
Malgré son rôle indiscutable dans le succès des monstres classiques d'Universal, Jack Pierce connu une fin de carrière brutale, puisqu'il fut renvoyé par le studio en 1947. Refusant de moderniser ses méthodes de travail, Pierce continuait à utiliser ses techniques artisanales, alors que de nouveaux matériaux facilitant le maquillage, comme le caoutchouc mousse, commençaient à être beaucoup utilisés. Ils permettaient d'aller plus vite et étaient plus confortables pour les acteurs. Il quitta donc le studio, qu'il avait contribué à sauver de la ruine financière, par la petite porte. Il ne participa plus qu'à quelques modestes films avant de s'éteindre à l'âge de 79 ans, en 1968. Il n'en reste pas moins que ses créatures ont hanté l'imagination des spectateurs pendant des générations.